Pour une reconnaissance sans ambiguïté de la justice pénale internationale
Ce 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale (CPI) établie à la Haye a émis des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant et Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri. Ces individus qui occupent / ont occupé des postes à responsabilité au sein du gouvernement israélien, respectivement du Hamas, sont soupçonnés de s’être rendus coupables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les 124 Etats partie au Statut de Rome[1] (qui constitue la base juridique de la CPI), parmi lesquels figure la Suisse, sont tenus de coopérer avec la cour pénale pour la mise en œuvre de ses décisions et l’exécution des mandats d’arrêt sur leurs territoires respectifs, à savoir arrêter et remettre à la CPI les suspects.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine considère les mandats d’arrêts prononcés comme un pas important dans la procédure judiciaire ouverte pour statuer sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis a priori le 7 octobre 2023, mais aussi avant et après cette date, en Israël/Palestine; il s’agit également d’une étape essentielle dans la lutte contre l’impunité.
La Suisse soutient la CPI depuis ses débuts[2]. Suite à la révélation fin mai par le journal britannique The Guardian[3] des pressions systématiques exercées par les autorités israéliennes sur la CPI, notre gouvernement a rappelé au côté de 93 autres Etats partie du Statut de Rome la nécessité «de préserver l’intégrité de la CPI face à toute velléité d’ingérence et tentative de pression»[4]. Les Etats signataires de la déclaration assuraient la CPI de leur «soutien infaillible», en enjoignant tous les pays à également pleinement coopérer avec la cour internationale.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine se réjouit que la Suisse ait rappelé une fois de plus la légitimité de la Cour pénale internationale. Notre pays est statutairement tenu de coopérer entièrement avec l’institution. Nous partageons l’importance de reconnaître politiquement un tel devoir au vu des pressions considérables exercées contre la CPI. Aussi, nous appelons notre gouvernement et son Département des affaires étrangères (DFAE) à communiquer publiquement et en leurs noms propres la détermination de la Suisse à soutenir la cour pénale et, en particulier, à donner suite aux mandats d’arrêt qu’elle a émis. Au moyen de cette démarche, nos autorités renforceront l’action fragilisée de la CPI tout en réitérant l’engagement salutaire de notre pays contre l’impunité.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine est une coalition de 12 organisations non gouvernementales basées en Suisse qui s'engagent pour une approche du conflit au Proche-Orient basée sur les droits humains.
PRISE DE POSITION
21.11.2024
PRISE DE POSITION
29.10.2024
L’interdiction de l’UNRWA par Israël poursuit le démantèlement de la réponse humanitaire à Gaza
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine est consterné par la décision du parlement israélien du 28 octobre d’interdire les opérations de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) en Israël. La décision viole le droit international qui oblige tous les États membres de l’ONU, parmi lesquels Israël, à soutenir le travail des Nations unies. En bloquant les opérations de l'UNRWA, Israël ignore par ailleurs la mesure provisoire prononcée par la Cour internationale de justice (CIJ) appelant à garantir la livraison d'une aide humanitaire vitale aux habitant.e.s de la bande de Gaza.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine et ses organisations membres ont souligné à plusieurs reprises l'importance de l'UNRWA dans le passé. L'UNRWA est la colonne vertébrale des opérations humanitaires internationales à Gaza, dont la population est déjà privée de nombreux biens essentiels tels que la nourriture, l'eau, l'aide médicale, l'éducation et la protection, et survit dans des conditions intolérables depuis plus d'un an. Avec sa décision, Israël rend impossible le fonctionnement d’une agence des Nations unies dont le travail est essentiel à la survie de plus de 2 millions de personnes. L'UNRWA est aussi le principal fournisseur de soins médicaux de base, de soins psychologiques et de programmes scolaires en Cisjordanie. Ces missions sont également gravement menacées par la décision du parlement israélien.
La Suisse assure actuellement la présidence du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine appelle le conseiller fédéral Ignazio Cassis et les représentant.e.s de la mission suisse à New York à user de leur influence pour que tous les Etats membres du Conseil de sécurité soutiennent sans équivoque la capacité de l'UNRWA à poursuivre son travail dans le Territoire palestinien occupé.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine est une coalition de 12 organisations non gouvernementales basées en Suisse qui s'engagent pour une approche du conflit au Proche-Orient basée sur les droits humains.
PRISE DE POSITION DU 26.9.2024
La Suisse doit s'engager davantage pour protéger la population civile
Le 18 septembre dernier, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté à une nette majorité une résolution demandant la mise en œuvre de l'avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) sur l'occupation du Territoire palestinien par Israël depuis 1967. L'avis consultatif, publié le 19 juillet 2024, avait conclu que l'occupation prolongée du Territoire palestinien est contraire au droit international et il obligeait Israël à mettre fin à sa politique d’occupation le plus rapidement possible ; l'avis demandait en outre à la communauté internationale d’interrompre toute forme de coopération susceptible de favoriser la situation d'occupation.
En date du 18 septembre, l'Assemblée générale de l'ONU a aussi exhorté la Suisse, en tant qu'Etat dépositaire des Conventions de Genève, à inviter les Etats parties à une conférence. L'objectif de cette conférence doit être de renforcer la protection de la population civile dans le Territoire palestinien occupé.
Par le biais d’une première réaction, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s'est déclaré prêt à organiser la conférence dans un délai de six mois. Le DFAE a de surcroît réaffirmé la position de la Suisse selon laquelle l'illégalité de l'occupation du Territoire palestinien par Israël ne fait aucun doute et qu'il faut y mettre fin.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine salue la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU de même que la déclaration d'intention de la Suisse d'organiser la conférence demandée. Pour autant, le Forum regrette que la Suisse se soit abstenue lors du vote sur la résolution. La population civile palestinienne endure des souffrances extraordinaires sous le régime d'occupation permanent et elle est privée de la protection à laquelle elle a droit en vertu du droit international, comme en témoignent le nombre dévastateur de victimes de la guerre menée dans la bande de Gaza de même que l'usage disproportionné de la force militaire en Cisjordanie[CM1] .
A la fin du mois dernier, en effet, Israël a lancé une vaste opération militaire dans plusieurs localités palestiniennes de la Cisjordanie occupée, parmi lesquelles Jénine, Tulkarem, Tubas et Naplouse. Selon les données de la Coordination des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA), l'opération a fait plusieurs dizaines de victimes civiles, dont des mineurs. Des infrastructures civiles importantes telles que des maisons, des routes et des canalisations ont également été détruites. Et avec la complicité apparente des forces de sécurité israéliennes, des groupes de colons israéliens ont expulsé 81 Palestiniens, dont 41 enfants, de leurs maisons depuis le début du mois de septembre.
Toujours d’après OCHA, 693 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 – le plus souvent par l'armée israélienne et dans douze cas par des groupes de colons israéliens. Durant la même période, plus de 4400 Palestiniens (parmi lesquels 1875 mineurs) ont été forcés de quitter leurs maisons.
Les actes de violence observés en Cisjordanie ne sont que le dernier développement d'une campagne menée par Israël depuis des décennies pour expulser, exproprier et éliminer les Palestiniens en tant que groupe national, observait Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits humains dans le Territoire palestinien occupé. «Il apparaît qu'aucun Palestinien ne peut vivre en sécurité sous le contrôle d'Israël.»
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine a également pris connaissance avec une profonde inquiétude des déclarations répétées de représentants du gouvernement israélien exigeant pour la Cisjordanie la même approche militaire que pour la bande de Gaza.
En conséquence, le Forum demande à la Suisse d'honorer son engagement réaffirmé de respecter le droit international humanitaire et les droits de l'homme en prenant les mesures additionnelles suivantes:
-
condamner clairement les attaques menées contre des civils non armés et la destruction massive des infrastructures urbaines dans plusieurs villes de Cisjordanie occupée et tout entreprendre pour que le gouvernement israélien mette fin immédiatement et sur le long terme à ses opérations militaires et empêche les violences commises par des groupes de colons;
-
s'engager à protéger la population civile et à augmenter d'urgence l'aide humanitaire fournie, en commençant par maintenir pleinement la participation de la Suisse au financement de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA);
-
s'engager en faveur d'un cessez-le-feu durable dans la bande de Gaza et accroître la pression sur les parties au conflit, y compris sur le plan bilatéral, pour qu'elles cessent les hostilités;
-
contribuer activement à la protection de la population civile en suspendant immédiatement toutes les formes de coopération militaire, d'acquisition de biens militaire et de transfert de technologie utilisable à des fins militaires entre la Suisse, les entreprises établies en Suisse et Israël jusqu'à ce qu'une solution de paix globale soit trouvée.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine est une coalition de 12 organisations non gouvernementales basées en Suisse qui s'engagent pour une approche du conflit au Proche-Orient basée sur les droits humains. Les prises de position et les avis exprimés au nom du Forum doivent être approuvés par au moins deux tiers de ses membres et ne coïncident donc pas nécessairement avec les prises de position de tous les membres.
Prise de position du 23.4.2024
Nouvel appel pour le versement de la contribution de la Suisse à l’UNRWA et une politique basée sur des faits au Proche-Orient
La commission d'enquête indépendante dirigée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna n’a pu que constater que le gouvernement israélien n'a pas encore fourni de preuves pour étayer ses affirmations publiques selon lesquelles un nombre considérable d’employé⸱e⸱s de l'UNRWA seraient membres d'organisations terroristes ou entretiendraient des relations actives avec ces dernières.
Au lieu de cela, le rapport a constaté que l'UNWRA peut certes encore améliorer ses mécanismes de contrôle pour garantir sa propre neutralité, mais que l'agence dispose déjà d'un concept de neutralité plus développé que d'autres institutions onusiennes et ONG comparables.
Suite aux accusations portées par Israël contre l'UNRWA en janvier dernier, la Suisse a décidé de retenir jusqu’à aujourd’hui la contribution financière qu’elle avait promis à l’agence pour 2024. Et ce bien que l'UNRWA apporte une aide vitale à environ deux millions de Palestinien⸱ne⸱s dans la bande de Gaza qui, selon l'ONU, sont menacé⸱e⸱s par une famine d'origine humaine et contre lesquel⸱le⸱s il existe un risque plausible de génocide selon la Cour internationale de justice (CIJ). Dans ce contexte, le rapport Colonna affirme que l'UNRWA est aussi indispensable qu'irremplaçable.
Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine demande aux commissions de politique extérieure et au Conseil fédéral de prendre le rapport Colonna comme référence, de fonder la politique de la Suisse au Proche-Orient sur des faits objectifs, les principes de l'Etat de droit et les valeurs humanitaires et d’autoriser le transfert immédiat des 20 millions de francs promis à l'UNRWA. Nous soutenons par ailleurs une pétition d'Amnesty International destinée au Conseil fédéral et au Parlement sur le sujet.
Prise de position du 27.3.2024
Mesures nécessaires pour l'application de la résolution 2728 du Conseil de sécurité des Nations Unies
Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté lundi sans opposition la résolution 2728 qui exige un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, la libération de tous les otages et un libre accès de l'aide humanitaire à la bande de Gaza. Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine salue cette résolution et le rôle actif que la Suisse a joué dans son élaboration. Nous demandons maintenant au Conseil fédéral de présenter et de prendre des mesures concrètes pour faire appliquer cette résolution juridiquement contraignante.
Forum pour les droits humains en Israël/Palestine
Prise de position du 21.3.2024
La Suisse doit verser sa contribution à l'UNRWA sans plus attendre
La bande de Gaza est en proie à une famine aiguë dont la cause est humaine. Des centaines de milliers de personnes sont tributaires de l'aide fournie par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Les 17 organisations soussignées lancent un appel urgent aux membres des Commissions de politique extérieure du Parlement et du Conseil fédéral pour que soient versées au plus vite les contributions à l'UNRWA afin de sauver des vies et de ne pas nuire davantage à la crédibilité de la Suisse humanitaire.
D’après le dernier rapport complet sur la situation alimentaire dans la bande de Gaza de l'IPC (The Integrated Food Security Phase Classification), plus de la moitié de la population du nord de la bande de Gaza se trouve dans une situation alimentaire et d'approvisionnement "catastrophique". En empêchant l'acheminement de nourriture, Israël entreprend d'affamer la population civile, ce qui pourrait constituer un crime de guerre tout en contribuant, selon la Cour internationale de justice (CIJ), à un risque imminent de génocide. La majorité des 2,2 millions de personnes qui survivent dans la bande de Gaza sont aujourd'hui hébergées dans des écoles et des abris d'urgence de l'UNRWA. L’agence est la seule à disposer des structures, du personnel et de l'expertise nécessaires pour garantir un acheminement et une distribution suffisante d’aide vitale. Tout affaiblissement de l'UNRWA revient par conséquent à affamer les habitant⸱e⸱s de la bande de Gaza et peut être qualifié de complicité de génocide.
L'UNRWA est responsable de l'éducation et de l'approvisionnement de six millions de réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza ainsi qu'en Cisjordanie occupée et dans les pays voisins: au Liban, en Syrie et en Jordanie. L'arrêt des activités de l'UNRWA aurait un effet fortement déstabilisateur sur ces régions et pays déjà fragiles et nuirait donc également aux intérêts de la Suisse.
La Suisse a des raisons d’être fière de sa tradition humanitaire et de sa réputation de partenaire fiable en matière de coopération internationale. Or, notre pays a déjà entaché sa réputation dans le cadre de la guerre actuelle à Gaza en ne s'engageant pas plus activement en faveur d'un cessez-le-feu permanent et d'un embargo sur les armes. Si, en outre, la Suisse cessait son financement de l'UNRWA et affaiblissait ainsi le seul outil devant permettre, le cas échéant, de stopper la famine d'origine humaine, sa crédibilité en tant que "Suisse humanitaire" en serait affectée à long terme.
Depuis de nombreuses années, Israël mène une campagne active de diffamation contre l'UNRWA, une agence qui représente les réfugiés palestiniens et symbolise leur droit à l'autodétermination. Le 26 janvier 2024 - le jour même où la CIJ concluait à un risque plausible de génocide dans la bande de Gaza - Israël lançait des accusations contre l'agence. Dans la foulée de ces accusations selon lesquelles douze collaborateurs de l'UNRWA dans la bande de Gaza auraient été impliqués dans les crimes de guerre du Hamas du 7 octobre 2023, l'ONU a commandé une enquête indépendante qui devrait remettre un rapport provisoire d’ici à la fin du mois. Cela montre que l'ONU et l'UNRWA prennent leur devoir de diligence au sérieux. Tout ce que représente l'UNRWA, avec ses 30’000 employés et les millions de bénéficiaires dans le besoin qui en dépendent, en particulier dans la bande de Gaza, ne doit en aucun cas être soumis à une punition collective pour des crimes présumés commis par des individus. Il est par ailleurs à noter qu’Israël n'a pas fourni de preuves crédibles à l'ONU et à l'UNRWA depuis les accusations proférées fin janvier.
Au début du mois de février déjà, plusieurs des organisations cosignataires avaient vivement condamné la décision spontanée d'une douzaine de pays donateurs de suspendre leurs contributions financières à l'UNRWA. Nous nous félicitons que l'Union européenne, le Canada, la Suède, l'Australie et la Norvège aient entre-temps repris leurs versements, que l'Espagne ait augmenté les siens de 20 millions d’euros et que la Commissions de politique extérieure du conseil national puisse rencontrer M. Phillipe Lazzarini le 25 mars pour un entretien approfondi.
Nous demandons que les contributions financières de la Suisse destinées à l'UNRWA soient versées en avril sans plus tarder. Toute velléité de repousser les paiements doit être fermement rejetée en regard de la famine qui sévit dans la bande de Gaza. Une augmentation des contributions devrait même être considérée.
Parallèlement, nous renouvelons notre demande urgente que la Suisse s'engage plus résolument en faveur d'un cessez-le-feu permanent. La Suisse doit tout faire pour éviter une famine et des morts additionnels dans la guerre menée à Gaza.
Aider Beit-Sahour, Palestine
Amnesty International Schweiz
Forum für Menschenrechte in Israel/Palästina
Frauen für den Frieden Schweiz
Frieda - Die feministische Friedensorganisation
Gerechtigkeit und Frieden in Palästina GFP
Gesellschaft Schweiz-Palästina GSP
Gruppe für eine Schweiz ohne Armee GSOA
Ina autra senda - Swiss Friends of Combatants for Peace
Jüdische Stimme für Demokratie und Gerechtigkeit in Israel/Palästina JVJP
medico international schweiz
Bereich OeME-Migration der ref. Kirchen Bern-Jura-Solothurn
Parrainages d'Enfants de Palestine
PeaceWomen Across the Globe
Palästina-Solidarität Basel
Palästina-Solidarität Schweiz
Urgence Palestine Nyon-La Côte
Prise de position du 1.2.2024
Un soutien pérenne à l’UNRWA est indispensable
Alors que l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, est actuellement critiquée de toute part, nous affirmons en tant que Forum pour les droits humains en Israël/Palestine que l’assistance qu’elle déploie dans quatre pays du Proche-Orient, à commencer par l’aide humanitaire vitale qu’elle achemine et distribue dans la bande Gaza au mieux de ses capacités, doit être préservée et garantie financièrement sur la durée.
Nous saluons les investigations ouvertes par le management de l’UNRWA sur les agissements présumés de certains de ses employés durant et autour des actes terroristes du 7 octobre sur le territoire israélien. Il est primordial pour toute organisation de s’assurer que son système de controlling interne est fiable afin de garantir sa crédibilité et le financement de son travail à long terme.
Mais nous condamnons la décision spontanée d’une douzaine de pays donateurs de suspendre leurs financements destinés à l’agence uniquement sur la base d’accusations portant sur un petit groupe de collaborateurs.
Alors que la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza choque le monde entier, la suspension des financements aura une incidence sur l’aide apportée par l’UNRWA à plus de deux millions de civils – des enfants pour plus de la moitié – qui en dépendent pour survivre. Nous condamnons l’irresponsabilité de ce qui deviendrait une «punition collective» des habitant⋅e⋅s de la bande de Gaza pour reprendre les termes du directeur général de l’UNRWA, le Suisse Philippe Lazzarini. Les suspensions de financement annoncées contreviendraient en outre aux mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de justice (CIJ) le 26 janvier dernier, parmi lesquelles figure la mise en place de «mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture de services de base et d’aide humanitaire aux Palestiniens de la bande de Gaza».
L'UNRWA est la plus importante agence humanitaire dans la bande de Gaza et l’ampleur de l’aide apportée par cette dernière ne peut pas actuellement être fournie par d'autres agences travaillant sur place. Rediriger les fonds vers d'autres acteurs ne saurait pallier l'effondrement du système humanitaire à Gaza qui résulterait d'une suspension des fonds alloués à l'UNRWA. La surenchère à l'œuvre dans les propos tenus par des représentants du gouvernement israélien à l'encontre de l’UNRWA est, dans ce contexte, irresponsable.
Nous saluons l’initiative de la Commission de politique extérieure du Conseil national d’inviter M. Phillipe Lazzarini pour un entretien approfondi le 25 mars prochain à Berne. Tant que le fonctionnement de l’UNRWA dans son ensemble n’est pas incriminé, la Suisse n’a aucune raison de retarder les contributions financières qu’elle s’est engagée à verser à l’agence.
Cinq raisons de ne pas laisser tomber l’UNRWA en lui retirant ses financements:
-
Les communications qui ont conduit aux suspensions de financements se référaient à quelque 12 employés de l’UNRWA qui auraient participé aux attaques du 7 octobre. Si cela est confirmé, ces derniers devront être poursuivis pénalement. Mais il s’agit de 12 personnes sur un total de 13’000 employé⋅e⋅s de l’UNRWA dans la bande de Gaza.
-
Actuellement, alors qu’ils sont victimes des bombardements incessants de l’armée israélienne, «deux millions de civils à Gaza dépendent de l'aide critique de l'UNRWA pour leur survie au quotidien.» Ce sont les mots du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
-
Dans les faits, il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA à court et moyen terme pour assurer l’acheminement massif d’aide humanitaire dont les Gazaouis ont actuellement besoin. La connaissance du terrain et les infrastructures gérées par l’agence rendent cette dernière indispensable. L’UNRWA est une agence professionnelle. Elle est pilotée par un management extrêmement rigoureux (avec le Suisse Philippe Lazzarini à sa tête) et elle est soumise à des contrôles internes et externes réguliers.
-
En temps normal et de manière générale, grâce à tous les services de base qu’elle assure, l’UNRWA contribue à la stabilité dans une région aux abois. Limiter les financements alloués à l’UNRWA, c’est donc prendre le risque d’embrasements incontrôlables dans plusieurs pays du Proche-Orient.
-
Les accusations portées contre l'UNRWA (plus que contre toute autre organisation des Nations unies) doivent toujours être considérées à la lumière des agendas politiques en temps de guerre. Une guerre se livre aussi, de part et d’autre, sur le terrain de la communication par le biais de diffamations ciblées. Seul un examen indépendant des accusations formulées permet de traiter ces dernières de manière crédible.
Lettre au Conseil fédéral du 23.1.2024
La Suisse doit prendre des mesures pour empêcher de nouvelles violations du droit international et pour protéger la population civile à Gaza
Au vu de la crise humanitaire qui s'aggrave de jour en jour dans la bande de Gaza et face au danger qu’un nettoyage ethnique voire un génocide soit en cours, le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine, une coalition de 13 organisations non gouvernementales suisses, s'adresse au Conseil fédéral. Nous demandons à la Suisse d'assumer ses obligations en tant qu'Etat signataire de la Convention de l'ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide et Etat dépositaire des Conventions de Genève, et d'œuvrer résolument en faveur d'un cessez-le-feu illimité.
Ces dernières semaines et ces derniers jours, plusieurs organisations internationales ont publié des rapports et des déclarations qui mettent en évidence la situation de danger de mort dans laquelle se trouve la population civile de la bande de Gaza. Elles ont mis en en garde contre le fait que la situation s'aggrave de jour en jour, sous réserve qu'Israël offre au plus vite un accès amélioré et sûr à l'aide humanitaire et permette un approvisionnement suffisant de la population. D’après le Programme alimentaire mondial (PAM), l'ensemble de la population de Gaza est aujourd'hui menacé par une crise alimentaire aiguë, la moitié des habitant⸱e⸱s se trouvant déjà dans une situation d'urgence.
Selon les rapports du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (UNOCHA), 85% de la population de Gaza a été déplacée à l'intérieur du territoire suite à des attaques israéliennes ou à des ordres d'évacuation (souvent multiples). Ces personnes déplacées vivent désormais à l'étroit dans des abris improvisés, ce qui augmente les risques de maladies. En outre, il est particulièrement alarmant de constater que plusieurs membres du gouvernement israélien ont à plusieurs reprises déshumanisé verbalement les Palestinien⸱ne⸱s ou appelé à la destruction totale de la bande de Gaza et à la réinstallation de la population palestinienne dans des pays tiers.
Dans ce contexte, huit envoyés spéciaux de l'ONU ont publié le 16 janvier dernier une déclaration commune dans laquelle ils⸱elles mettent en garde contre un risque de génocide. D’autres experts renommés comme Omer Bartov, spécialiste israélo-américain de l'Holocauste, reconnaissent également des signes clairs de nettoyage ethnique et insistent qu'il faut agir avant que la situation ne se transforme en génocide. La Convention de l'ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide, signée par la Suisse, définit notamment comme génocide le fait «d'imposer intentionnellement au groupe des conditions de vie de nature à entraîner sa destruction physique totale ou partielle»; elle oblige les États signataires à prévenir et à punir les actes de génocide.
Le Forum pour les droits humains est profondément préoccupé par la situation dramatique à Gaza et demande à la Suisse de prendre au sérieux les mises en garde contre un génocide et le risque d'un nettoyage ethnique qui ont pu être exprimées. Il demande à la Suisse d'assumer ses obligations vis-à-vis du droit international et de prendre des mesures contre les risques évoqués.
Le 12 janvier dernier, la Suisse a rappelé au Conseil de sécurité de l'ONU que les Conventions de Genève interdisent les déplacements forcés de population et que de tels déplacements constituent un crime de guerre. Elle a également condamné les appels à l'expulsion de civils du Territoire palestinien occupé et a souligné la nécessité d'un cessez-le-feu humanitaire durable. Le Forum se réjouit de cette intervention.
Au vu de la situation dramatique, nous estimons que les mesures supplémentaires suivantes sont nécessaires et urgentes:
-
La Suisse doit s'engager résolument et publiquement, au sein et en dehors du Conseil de sécurité de l'ONU, en faveur d'un cessez-le-feu durable et accroître sur le plan bilatéral la pression exercée sur les parties au conflit pour qu'elles cessent les hostilités. Seul un cessez-le-feu permettra aux habitant⸱e⸱s de la bande de Gaza de recevoir de l'aide humanitaire vitale et d'éviter une aggravation de la catastrophe humanitaire en cours.
-
En se référant à son obligation au regard du droit international de prévenir et de punir un éventuel génocide, l'Afrique du Sud a accusé Israël de génocide contre les Palestinien⸱ne⸱s de la bande de Gaza devant la Cour internationale de justice des Nations Unies (CIJ). L’Afrique du Sud a demandé à la CIJ de prendre des «mesures conservatoires» pour mettre fin immédiatement aux actes de guerre dans l’intention de prévenir ou d'empêcher un éventuel génocide pendant la durée de la procédure. Nous demandons à la Suisse en tant qu'Etat signataire de la Convention de l'ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide de soutenir la CIJ dans la procédure en ouverte au besoin. Nous demandons également à la Suisse d’appuyer la demande de l'Afrique du Sud que des «mesures conservatoires» soient ordonnées pour prévenir un génocide.
-
Plusieurs Etats parties aux Conventions de Genève appellent la Suisse, en tant qu'Etat dépositaire, à convoquer d'urgence une Conférence de Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève afin de discuter des violations systématiques observées sur le terrain, en particulier des violations de la quatrième Convention de Genève sur la nécessaire protection de la population civile commises durant la guerre à Gaza. Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine soutient cette demande dans la mesure où toutes les parties au conflit auront à répondre des violations des Conventions de Genève.
https://www.ipcinfo.org/ipcinfo-website/alerts-archive/issue-94/en/
https://www.nytimes.com/2023/11/10/opinion/israel-gaza-genocide-war.html
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2002/358/de?print=true
https://www.eda.admin.ch/eda/de/home/das-eda/aktuell/newsuebersicht/2023/uno-sicherheitsrat.html
Lettre ouverte au Conseil fédéral du 17.11.2023
Lettre ouverte au Conseil fédéral concernant l'influence présumée d'organisations de lobbying israéliennes sur la décision du DFAE de suspendre le financement d'organisations partenaires de longue date en Israël/Palestine
Au Conseil fédéral
Le 25 octobre, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) annonçait sa décision de suspendre son soutien financier à onze ONG palestiniennes et israéliennes «en raison de la nouvelle situation qui prévaut depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre et la reprise des hostilités au Proche-Orient».
Sans raison apparente et avant d’avoir procédé à un examen au cas par cas, le DFAE a affaibli des organisations partenaires de longue date qui s'engagent pour le respect des droits humains et la protection de la population civile, y compris actuellement face à la récente escalade de la violence en Israël/Palestine. Certaines des organisations concernées avaient conclu récemment un processus d'évaluation externe de leurs activités. Le rapport en question, daté du 20 août 2023, indiquait: «The evaluation team recommends that SDC continue its core support to these eight partners. These are good organizations doing excellent work.»
La suspension des financements et la diffusion publique d’une liste des organisations concernées ont eu pour conséquence de nuire largement à leur réputation, en particulier dans le contexte polarisé actuel. La condamnation de facto par anticipation des organisations a envoyé un signal négatif à d'autres bailleurs de fonds. Certaines organisations cosignataires de cette lettre ont été sommées par des institutions suisses de renom de signaler d’éventuelles coopérations qu’elles entretiendraient avec l’une ou l’autre des organisations locales incriminées. En retirant préventivement sa confiance à des organisations partenaires de longue date, le DFAE a également porté atteinte à la réputation de la Suisse en tant que partenaire fiable dans la coopération internationale. Jusqu'à ce jour, le DFAE n'a donné aucune explication objective et compréhensible pour des personnes extérieures au dossier sur les raisons qui ont conduit à sa décision lourde de conséquences. La conférence de presse du 1er novembre donnée par le conseiller fédéral Cassis et l'ambassadrice Maya Tissafi n'a pas permis de savoir ce qui est concrètement reproché aux organisations concernées. Le Forum pour les droits humains en Israël/Palestine, cosignataire de la présente lettre, n’a pas non plus obtenu de réponses claires à une demande de renseignements formulée par écrit, la Division Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) du DFAE indiquant en tout et pour tout que « le DFAE dispos(e) d'informations externes selon lesquelles (les organisations concernées) auraient enfreint le code de conduite ou la clause anti-discrimination du DFAE ». Le contenu et les sources des informations mentionnées restent à ce jour obscurs.
Le 14 novembre, la RTS a diffusé un reportage laissant clairement entendre que les "informations externes" auxquelles le DFAE fait référence proviendraient de l'organisation de lobbying israélienne "NGO Monitor". Depuis sa création en 2001, celle-ci poursuit un agenda nationaliste de droite ayant pour but de diffamer acteurs·trices et organisations de la société civile en Israël/Palestine « qui recourent aux instruments et au langage des "droits humains" et du "droit international" pour isoler Israël » («who are using the instruments and language of “human rights” and “international law” to isolate Israel»).
L’enquête de la RTS a révélé la tenue d'une rencontre le 20 septembre 2023 à Berne entre Maya Tissafi, cheffe de la Taskforce Proche-Orient du DFAE, Simon Geissbühler, chef de la Division Paix et droits de l'homme du DFAE, et un représentant de l’organisation "NGO Monitor". Sur son site Internet, cette dernière qualifie la décision prise par le DFAE à l’encontre des 11 ONG israéliennes et palestiniennes de «grande percée » et confirme: «this comes weeks after NGO Monitor Senior Researcher Shaun Sacks met with Swiss MPs and officials in Bern, and provided evidence on the damage resulting from funding for these NGOs». Après les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre, "NGO Monitor" a publié une "liste noire" d'ONG accusées d’avoir "glorifié la violence du Hamas", et selon la RTS, les 11 ONG dont le DFAE a suspendu le financement y figuraient, avant que "NGO Monitor" ne raccourcisse la liste dans un deuxième temps.
"NGO Monitor", comme d’autres organisations de lobbying israéliennes d’ailleurs, opère depuis de nombreuses années en Suisse et tente d'influencer la politique suisse au Proche-Orient par le biais de parlementaires ou auprès du DFAE directement. Pourtant, l'agenda nationaliste de droite de "NGO Monitor" est diamétralement opposé à la politique officielle de la Confédération au Proche-Orient, et les campagnes de diffamation de l’organisation reposent en grande partie sur des affirmations sans fondement. D’imaginer que "NGO Monitor" serait la source des "informations externes" susmentionnées irrite donc fortement les signataires de cette lettre.
En tant que signataires de cette lettre ouverte, nous demandons dès lors au Conseil fédéral de faire preuve d'une transparence totale sur les raisons qui l’ont poussé à décider de suspendre le financement de onze organisations israéliennes et palestiniennes, partenaires de la DDC et de la Division Paix et Droits de l’homme de longue date et régulièrement contrôlées.
Nous demandons, en outre, au DFAE de maintenir le financement accordé à ces onze organisations partenaires en Israël et dans le Territoire palestinien occupé tant qu'il n'existe pas de motif de suspension fondé et publiquement justifié. L'évaluation des organisations de la société civile actives au Proche-Orient doit se faire sur la base de critères professionnels reconnus ainsi que d'évaluations sérieuses. L'influence présumée exercée par une organisation de lobbying étrangère doit faire l'objet d'une enquête.
Considérant que la condamnation par anticipation des organisations concernées est inadmissible, et afin de limiter l'atteinte déjà causée à leur réputation, nous exigeons que les ONG auxquelles aucune infraction au code de conduite ou à la clause anti-discrimination du DFAE n'a pu être imputée à ce jour soient réhabilitées publiquement par le DFAE. Les mesures de réhabilitation et de réparation appropriées devront être discutées avec les organisations lésées.
Très cordialement,
AllianceSud
Forum pour les droits humains en Israël/Palestine
Frieda - Die feministische Friedensorganisation
Gerechtigkeit und Frieden in Palästina GFP
Gesellschaft Schweiz-Palästina GSP
Hilfswerk der Evangelisch-reformierten Kirche Schweiz HEKS/EPER
Ina autra senda - Swiss Friends of Combatants for Peace
Jüdische Stimme für Demokratie und Gerechtigkeit in Israel/Palästina JVJP
KOFF – Die Schweizer Plattform für Friedensförderung (Le KOFF signe la lettre au nom des membres de la société civile qui ont participé au processus d'élaboration. Pour des raisons évidentes, les deux membres gouvernementaux (AFM et DDC) n'ont pas été impliqués dans la rédaction de la lettre et celle-ci ne représente pas leur position.)
medico international schweiz
Bereich OeME-Migration der ref. Kirchen Bern-Jura-Solothurn
Palästina-Solidarität Basel
Peace Watch Switzerland
PeaceWomen across the Globe (PWAG)
Schweizerischer Friedensrat SFR
Update from Israel: Switzerland Halts funds to NGOs, Steinberg in Die Welt (Germany) (mailchi.mp)
Prise de position sur le rôle de la Suisse dans la guerre en Israël/Palestine 27.10.2023
Le travail important de défense des droits humains et de protection des populations civiles ne doit pas être entravé
Mercredi dernier, 25 octobre 2023, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) annonçait sa décision de suspendre son soutien financier à onze ONG palestiniennes et israéliennes «en raison de la nouvelle situation qui prévaut depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre et la reprise des hostilités au Proche-Orient»1 . Nous sommes convaincu.e.s qu’un tel affaiblissement d’organisations locales de défense des droits humains reconnues, actives dans la protection des populations civiles et partenaires de longue date de la DDC envoie dans le contexte actuel un très mauvais message. La préservation des droits humains est une priorité absolue compte tenu de la dernière escalade de violence. Les organisations partenaires de la DDC en Israël et dans le Territoire palestinien occupé sont régulièrement auditées et plusieurs d’entre elles ont récemment achevé un processus d'évaluation externe de leurs activités mené sur trois ans. Le rapport daté du 20 août 2023 est formel: “The evaluation team recommends that SDC continue its core support to these eight partners. These are good organizations doing excellent work.” («L’équipe d’évaluation recommande à la DDC de poursuivre son soutien de base à ces huit partenaires. Ce sont de bonnes organisations qui font un excellent travail.») 1
La décision du DFAE de suspendre le soutien financier accordé à onze ONG locales constitue une restriction supplémentaire pour une société civile déjà soumise à de fortes contraintes. Elle peut nuire à la réputation de ces organisations de défense des droits humains expérimentées et reconnues, et entraîner des risques supplémentaires pour leurs employé.e.s. La suspension des financements annoncée par la Suisse risque en sus d’envoyer un signal négatif aux autres organisations et donateurs qui soutiennent la société civile en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, alors même qu’il n’existe actuellement aucun élément concret pour suspendre les financements. Nous appelons le DFAE à maintenir le financement des organisations partenaires locales de la DDC auditées en Palestine et Israël tant qu’aucun motif de suspension fondé n’est induit par un nouvel audit. L’appréciation des organisations de la société civile locale doit s’appuyer sur des critères factuels standard et des évaluations sérieuses. Il n’est pas concevable que des décisions soient prises ‘ad hoc’ suite à des pressions politiques.
Un cessez-le-feu immédiat et illimité est nécessaire
Lors de ce même mercredi 25 octobre 2023, la Suisse a appelé à la protection de la population civile en Israël et à Gaza devant le Conseil de sécurité de l'ONU, mais elle s'est abstenue lors du vote sur un projet de résolution de la Russie appelant à un cessez-le-feu immédiat. Au lieu de cela, la Suisse a voté pour un projet de résolution américain qui se contentait de préconiser des «pauses humanitaires». Cela n'est pas suffisant. Face à une catastrophe humanitaire sans précédent dans la bande de Gaza, un cessez-le-feu immédiat est nécessaire. Tout doit être entrepris pour éviter de nouvelles morts de civils en Israël et dans le Territoire palestinien occupé et garantir l’accès à une aide vitale à tous celles et ceux qui en ont besoin. Nous appelons donc le Conseil fédéral à plaider avec force en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et illimité au sein du Conseil de sécurité de l’ONU
1: Lucid collaborative: «Promotion and Respect for Human Rights, Gender Equality, and International Humanitarian Law». External Evaluation of the Work of SDC Partners in Israel and the Occupied Palestinian Territories, 2021-2023.
Prise de position sur l’escalade récente de la violence en Israël/Palestine
12.10.2023
En tant que Forum pour les droits humains en Israël/Palestine, une alliance de 14 organisations suisses qui s’engagent dans le cadre du conflit du Proche-Orient pour la promotion d’une approche basée sur les droits humains, avec une moitié de ses membres actifs sur le terrain, nous exprimons notre inquiétude face à la dernière escalade de violence au Proche-Orient. Des actes de violence très graves allant à l’encontre du droit international et des droits humains sont à nouveau perpétrés, tant par le Hamas et ses alliés que par les forces de sécurité israéliennes. Les crimes tels que les massacres commis par Hamas ne sauraient aucunement être justifiés, et doivent au contraire être fermement condamnés. Nous nous opposons également très clairement à toute forme de déshumanisation dans les médias. Les attaques délibérées sur la population civile, ainsi que les attaques disproportionnées qui tuent ou blessent des civils, sont des crimes de guerre. Toutes les parties au conflit sont tenues de respecter le droit international et de tout faire pour éviter d’autres victimes civiles. Les civils pris en otage par le Hamas doivent être libérés immédiatement, sans condition ni atteinte à leur intégrité.
Les événements de ces derniers jours ne doivent pas être considérés isolément. Cela fait 16 ans que la population de Gaza subit un blocus qui l’empêche à dessein de mener une vie normale et dans la dignité. La situation humanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique et n’offre aucune perspective.
L’occupation, l’expansion des colonies et la privation de droits infligée à la population palestinienne, que nombre d’expert·e·s des droits humains qualifient d’apartheid, sont aussi responsables de cette crise de longue date, de même que la tolérance de la communauté internationale vis-à-vis de toutes les violations du droit international, ou encore l’impunité générale dont jouissent leurs auteurs.
Revendications du Forum pour les droits humains en Israël/Palestine:
-
Nous demandons à l’ensemble des parties au conflit de mettre immédiatement un terme aux violences et de respecter les prescriptions du droit international humanitaire. La Suisse doit s’engager expressément en ce sens vis-à-vis des parties au conflit.
-
Nous saluons le fait que la Suisse ne remette pas en question l’aide humanitaire qu’elle destine à la région et appelons de nos veux une augmentation des fonds alloués à la réponse humanitaire au vu de l’aggravation de la situation. La Suisse doit également renforcer les organisations des droits humains et humanitaires israéliennes et palestiniennes et les protéger contre les mesures de répression exercées à leur encontre par le gouvernement israélien et diverses entités palestiniennes. La dernière escalade de violence fait de la garantie du respect des droits humains une priorité essentielle.
-
En outre, la Suisse doit s’engager pour que la Cour pénale internationale (CPI) relance les enquêtes sur les crimes de guerre commis en Israël/Palestine depuis 2015 et poursuive leurs auteurs. Il va de soi que la CPI doit également enquêter sur tout crime de guerre perpétré ces derniers jours, ce qui inclut la suppression de l’acheminement de vivres, médicaments et carburant dans la bande de Gaza où vivent 2,3 millions d’habitant·e·s. Le recours à la famine comme arme de guerre au dépend d’une population civile est un crime de guerre d’après le Statut de Rome.
-
Afin de privilégier une véritable résolution du conflit par opposition à une simple gestion du conflit, la Suisse doit s’engager pleinement pour mettre un terme à l’occupation israélienne. Seule cette voie mènera à une paix juste et durable pour les populations palestinienne arabe et israélienne juive en Israël/Palestine.
Speaking Tour +972 Magazine
Zürich, 22.6.2023
Bern, 24.6.2023